Le télétravail : un avantage ou pas ?

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Nous avons tendance à penser que le télétravail en full remote n’a que des avantages à la fois pour la qualité de vie mais aussi pour la performance au travail. Mais est-ce vraiment le cas ? Quels en sont les avantages et les inconvénients côté employé et côté employeur ? 

Marc de Torquat et Leslie Sanier, experts du recrutement, nous donnent leur vision du télétravail et de ce qu’il représente dans le monde du travail d’aujourd’hui. 

 

Marc de Torquat, co-fondateur du cabinet de recrutement Shefferd : 


“Il faut distinguer le télétravail obligatoire pour l’ensemble des salariés d’une entreprise et le télétravail qui serait proposé uniquement à certains salariés dans le cadre d’une situation exceptionnelle.

Le télétravail imposé à l’ensemble des salariés est presque plus facile à gérer pour une entreprise qui y serait confrontée que pour celle qui devra gérer les deux options (télétravail et présentiel). Elle nécessite en effet une mise en place de règles communes à tous et pour lesquels aucun sujet d’égalité et d’équité n’apparaît.
En revanche, on a constaté qu’un certain nombre de collaborateurs montrent des signes d’insatisfaction et de frustration après plusieurs mois de télétravail en full remote. C’est alors une des raisons exprimées, pour les collaborateurs, d’une volonté de changement.

Le télétravail accordé à une population (souhaitant, dans la majorité des cas,  déménager de Paris vers la province), est, selon moi, un avantage supplémentaire qu’une entreprise peut proposer à ses collaborateurs ou un avantage attractif pour ses futurs talents. Il s’agirait donc d’un avantage individuel, au même titre qu’un bonus, une voiture de fonction, un téléphone, etc. 

Pour un employeur, il est plus facile de proposer ou d’accepter une organisation de travail à distance à un collaborateur qui est salarié de l’entreprise depuis plusieurs années et qui connaît les équipes, son fonctionnement, sa culture, ses process… Plus difficile de l’envisager pour un nouvel arrivant qui doit faire ses preuves dans une organisation et auprès d’équipe qu’il est plus compliqué de découvrir à distance en télétravail. La fameuse pause café si utile disparaissant peu à peu, cela nécessite d’arriver à créer une proximité différente, à condition que les salariés lui accordent du temps. Ce nouveau modèle nécessite pour l’employé et l’employeur de penser à de nouvelles règles permettant l’accès à ces moments de communication. Un enjeu majeur pour le maintien de la culture de l’entreprise. 

La question que l’on peut aussi se poser concerne l’évolution professionnelle. Un collaborateur en full télétravail peut-il continuer d’évoluer hiérarchiquement au sein d’une entreprise ? L’impossibilité de se former aux côtés d’un mentor ou des équipes internes, les échanges en physique moindre avec ses managers, peuvent présenter un frein à leur évolution de carrière.
L’employeur, qui espère par ce biais résoudre sa problématique de rétention,  aura à mettre en place un programme d’accompagnement très précis et plus complexe à suivre. En effet, même s’il  existe des technologies pour le suivi de la gestion de carrière des collaborateurs, la mesure du sentiment d’appartenance à l’entreprise et à sa culture, et tout autre outils de suivi, il n’en reste pas moins difficile de suivre l’épanouissement et le bien être à distance. 

Autrement dit, à court terme, le télétravail est un avantage pour le salarié et avec relativement peu d’impact sur sa performance dès lors qu’il connait bien son sujet, ses équipes et l’entreprise.
Mais à plus long terme, on a vu que le suivi du collaborateur étant plus complexe, le risque pour l’employeur sera l’accélération du turn over avec des collaborateurs qui préféreront changer d’entreprise pour évoluer.”

 

Leslie Sanier, co-fondatrice du cabinet de recrutement Shefferd : 


“Le télétravail est, aujourd’hui, un prérequis pour attirer de nouveaux entrants et un acquis pour les salariés. Il s’installe donc sur le long terme sous différentes formes, un jour, 2 jours, imposés ou aux choix, full remote, tout est possible… Il s’agit de construire une nouvelle relation de confiance et organisation de travail. Aujourd’hui, un grand nombre de salariés français considèrent que le lieu de travail n’est plus le lieu qu’il était avant. Souvent déserté, il ne répond plus toujours au besoin d’interactions des salariés et n’est plus non plus le lieu où se construit la culture d’une entreprise. Le télétravail offre à la fois une liberté et une souplesse aux salariés mais à cet effet pervers de “désociabiliser” le salarié et de déshumaniser l’entreprise. Nous n’avons pas encore le recul nécessaire pour analyser les effets profonds, nous comprenons que cela convient à certains et pas du tout à d’autres.  

C’est un vrai sujet en ce moment dans le recrutement, beaucoup de candidats souhaitent garder leur rythme en télétravail (négocié avec leur employeur actuel) mais n’arrivent pas à trouver un nouvel employeur qui leur apportera la même souplesse. On assiste d’ailleurs à l’augmentation de salariés adoptant un statut de travailleur indépendant sur le marché, statut répondant à cette flexibilité recherchée. Un phénomène à suivre, peut-être une raison de la pénurie de talent en CDI ? 

Du côté de la rémunération, pour l’instant, en France, nous n’avons pas constaté d’évolution liée à un changement d’organisation comme on peut le voir dans d’autres pays où le salaire est parfois indexé aux lieux de vie (lire sur le sujet). En France, la loi indique que la rémunération ne peut être liée à l’organisation de travail, nous constatons que rien n’est encore vraiment défini en ce qui concerne le télétravail. Ce nouveau rythme de travail a un impact sur un tas d’autres sujets : les bureaux, les tickets resto, le transport, des avantages acquis aujourd’hui, faut-il les repenser ? L’avantage du télétravail ne s’illustre pas par le salaire (parfois même à la défaveur du salarié qui engage des frais de déplacements conséquents dans le cas d’un éloignement de son lieu de travail) mais plutôt sur la qualité de vie : le gain de temps qu’on ne passe plus dans les transports, moins de stress, une organisation de son temps plus hybride. Aujourd’hui, les employeurs, en accord avec les salariés, sont relativement libres d’instaurer les règles qu’ils souhaitent au sein de leur structure… En résumé, les avantages et les inconvénients sont partagés !”